Les Elfes Daïkinee 


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Introduction


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L’histoire des Daïkinee trouve sa source dans l’imagination, se perpétue à travers la Magie et se terminera comme un jour qui s’achève.

Il n’y a aucune trace des Elfes avant l’Âge de la Renaissance. Leurs premiers pas dans l’Histoire sont compilés dans les récits des autres peuples. Quant à la mémoire des Daïkinee, elle débute au moment où une poignée de courageux guerriers sort de la Forêt d’Emeraude et part à la recherche du dieu de l’Aube.

Aoh, l’Esprit de Toute Vie, a perdu la raison. Sous l’apparence de l’Hiver, il a envoyé ses guerriers pétrifier la Forêt Eternelle. Mais Eäkhyn et Earhë, les esprits de Quithayran, veillent. Eäkhyn, dieu de l’Aube, est parti affronter l’Hiver en compagnie des Fayes. Earhë, déesse du Crépuscule, a demandé aux Elfes de protéger Quithayran pendant qu’elle allait guérir Aoh.

Lorsque les Fayes reparaissent, Eäkhyn a disparu. Elles ont repoussé l’Hiver mais le dieu de l’Aube est parti, en proie à une tristesse infinie. Tous comprennent quand Earhë revient à son tour. Elle porte en son sein la douleur d’Aoh et met au monde une bête gigantesque, Wisshard.

Wisshard est consumé par une faim innommable qu’il cherche à apaiser en dévorant toutes les créatures qui passent à sa portée. Earhë est encore trop faible pour lutter et les Fayes sont englouties les unes après les autres. Seul Eäkhyn pourrait vaincre Wisshard... Les vaillants guerriers Elfes décident alors de partir à la recherche du dieu de l’Aube.

Ce sont ces guerriers Elfes que les autres peuples rencontrèrent aux prémices de l’Âge de la Renaissance. Les Keltois sont sans doute les premiers êtres intelligents qu’ils croisent : les légendes d’Avagddu font état de créatures féériques qui venaient autrefois hanter leurs rêves à la recherche de leur roi immortel, bien avant que les Drunes ne fassent de même dans leurs cauchemars. Les récits des Nains sont plus précis, car déjà à l’époque ils gardaient une trace des événements les plus marquants. Leurs archives décrivent de grands guerriers, plus gracieux que les Hommes et dotés d’oreilles allongées. Ceux-ci ont longtemps erré dans les monts Aegis, à la recherche de l’un des leurs. Le passage se termine lorsqu’ils partent affronter les neiges impitoyables du plus haut sommet de la région et en redescendent quelques semaines plus tard : beaucoup d’entre eux sont morts, mais ils trouvent quand même le courage de repartir vers leur patrie.

Les Daïkinee vont ainsi rôder aux frontières de l’Histoire, passant du statut d’êtres venus de la forêt à celui de représentants de toute une nation. Même si leurs rois successifs vont établir des relations plus ou moins amicales avec les autres peuples, les Daïkinee resteront pendant longtemps un peuple isolé et réfractaire à la présence d’étrangers sur leur territoire.

Mais tout change il y a près de cinq siècles, lorsque la reine Faye Në-Inèkia, épouse du roi Seos, accouche des jumeaux Elhan et Silmaë. À la mort de Seos éclate alors Serrèlis, la guerre de succession... Elhan abdique et fonde la nation Cynwäll dans la région de Lanever. Une génération plus tard, la fille de Silmaè, Scaëlin, succombe aux Ténèbres et s’enfuit, pourchassée par les siens. Scaëlin jette alors une terrible malédiction à son peuple : chaque femme Daïkinee mourra peu de temps après avoir connu l’amour. Un an et un jour plus tard, Scaëlin prend possession du domaine d’Ashinân sans que personne ne puisse l’en empêcher.

La fatalité s’est abattue sur la Forêt Eternelle. Quithayran et les Fayes se meurent alors que le temps étouffe petit à petit le rire des enfants. Les Ténèbres se sont abattues sur Aarklash… Aoh est à nouveau malade. Qui pourra le soigner ? À quel sacrifice faudra-t-il consentir ?



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Le Peuple d’Emeraude 


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Les scissions du peuple Elfe ont considérablement réduit l’étendue du domaine des Daïkinee. Ce qui constitue aujourd’hui trois territoires distincts n’était autrefois qu’un seul et même domaine, celui de la Forêt Eternelle.

Même si Quithayran n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut autrefois, elle reste une inépuisable source de vie. Des animaux inconnus rôdent dans les fougères de sa forêt et sont capables de provoquer l’émerveillement comme l’effroi. Les cités Daïkinee s’étendent sur plusieurs étages, dans les branches d’arbres séculaires. Baptisées « villes éphémères », elles vivent et meurent au rythme des saisons, comme autant de nids d’oiseaux majestueux. Seules trois villes de Quithayran sont permanentes : Nuâhm, pour son importance stratégique, le port d’Indattè et Laureken.

Laureken est la capitale de Quithayran. On raconte que la Cité Invisible serait le dernier vestige d’une ère révolue où la Magie baignait Aarklash. On serait bien tenté de le croire, car la cité est dotée d’un pouvoir inimaginable : elle disparaît au bon vouloir de son roi pour réapparaître où sa majesté le souhaite sur son domaine !

Le long du golfe de Syrlinh, du port d’Indattè jusqu’à la Baronnie d’Icquor, se dressent les ruines de cités ancestrales. Personne ne connaît leur âge, ni leur origine. Les Daïkinee eux-mêmes ont toujours répugné à les visiter et encore plus à les habiter. Pour eux, ces lieux sont les sépultures d’une civilisation disparue et il faut donc les respecter. Le fait que la plupart des pilleurs de trésors qui s’y sont aventurés n’en sont jamais revenus les a confortés dans cette idée !

Les prêtres Daïkinee racontent parfois que l’une de ces ruines pourrait bien sceller l’entrée de la grotte où Wisshard est allé mourir après avoir dévoré Eäkhyn. Cette histoire destinée à effrayer les enfants s’articule pourtant autour d’un des points capitaux des croyances Daïkinee. À l’image de beaucoup de choses dans la Forêt d’Emeraude, leur panthéon fonctionne par cycle. À l’origine et à la fin de tout se trouve Aoh, l’Esprit de Toute Vie. En son sein règnent Earhë, Eäkhyn et Wisshard. Earhë est la déesse du Crépuscule, la Porte par laquelle émergent les vivants et repassent les morts. Eäkhyn est le dieu de l’Aube, l’étincelle de vie qui illumine les vivants tout au long de leur existence. Wisshard, le Grand Dévoreur, est la pulsion de mort qui vient se repaître de tous les vivants sans distinction. Un Daïkinee peut donc définir tout cycle, d’une simple journée jusqu’à sa propre vie, en fonction de ses dieux. Le jour succède à la nuit et la vie succède à la mort dans un éternel recommencement…

Leurs ennemis le savent bien, il est dangereux d’attaquer un Daïkinee dans un endroit où la vie est forte, comme la forêt de Quithayran. Car c’est la vie elle-même qui va rendre les coups !

L’inéluctable fatalité plane pourtant au dessus de la Forêt Eternelle. Comme Wisshard dévorant les créatures de Quithayran, la malédiction de Scaëlin ronge les Elfes Daïkinee un peu plus chaque jour. Les femmes de leur peuple meurent immanquablement dans les heures qui suivent la mise au monde de leur premier enfant, réduisant la population de Quithayran à chaque génération... Les Sentinelles, gardiennes de la nature, ne sont pas assez puissantes pour lever le sort de la Veuve. Elles peuvent parfois le contourner en favorisant la naissance de jumelles ou de triplées, mais sans grand succès. Sans l’exceptionnelle espérance de vie des Daïkinee, il est certain que leur peuple se serait déjà éteint depuis longtemps !

L’horreur prend toute son ampleur lorsque le regard des Daïkinee se tourne de l’autre côté de l’Ynkarô, vers la Forêt des Toiles. La fécondité exceptionnelle des filles de Lilith leur fait envisager un avenir des plus sombres pour le domaine de l’éternelle forêt. Quant aux Cynwäll, il n’est même pas question de demander leur soutien. Les Exilés ont abandonné Quithayran et quand bien même ils accepteraient de revenir, leurs femmes ne sont pas assez nombreuses pour assurer le renouvellement de la population.

Sans les Elfes et la force de leur vitalité, les Fayes disparaissent les unes après les autres.



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Les Esprits de la Forêt 


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Les Elfes Daïkinee sortent rarement de Quithayran. Ceux qui s’aventurent en dehors des frontières de la forêt sont cependant des vétérans rompus aux lois les plus impitoyables de la nature. S’ils ont décidé de se montrer, leur aura se remarque immédiatement car sous leur apparence parfois frêle se cache une force vive qu’on ne peut ignorer. Un individu qui heurte accidentellement un Daïkinee a de grandes chances de tomber seul, comme s’il avait essayé d’ébranler un mur invisible…

Aux yeux des autres peuples, les Daïkinee sont souvent perçus comme étant des êtres mystérieux, sauvages, perdus à mi-chemin entre le monde réel et celui des rêves. Leurs armures insectoïdes, leurs armes composites et les effets dévastateurs de leurs poisons en font des compagnons étranges et des ennemis redoutables. Même vêtu pour accompagner une ambassade, un Daïkinee gardera toujours une part d’instinct au fond des yeux.

Les Daïkinee entretiennent de bonnes relations commerciales avec les nations avoisinantes, par le biais du magnifique port d’Indattè. En bien des aspects, la ville d’Indattè est d’ailleurs considérée comme la rivale de Cadwallon, en territoire Cynwäll. Les différences sont pourtant nombreuses, ne serait-ce qu’au niveau de la sécurité des marchandises et des passagers. L’omniprésence des forces des Cynwäll, des Lions et des Keltois en font l’un des ports les plus sûrs d’Aarklash, malgré l’important trafic de substances stupéfiantes qui y règne. Pour finir, Indattè est l’un des seuls territoires Daïkinee où la présence d’étrangers est parfaitement tolérée.

Partout ailleurs, les visiteurs sont perçus avec la plus grande méfiance. Celle-ci se muera en hostilité si une bande d’aventuriers explore la Forêt d’Emeraude sans en avoir demandé l’autorisation à ses défenseurs… Enfin, si ces indésirables sont équipés pour faire la guerre, ils seront reconduits à la lisière de la forêt ou abandonnés aux soins cruels de la nature.

En dehors des échanges commerciaux, Quithayran entretient des rapports plutôt distants avec les autres peuples. Non pas que les Daïkinee soient hautains ou farouches, mais ils n’en ressentent ni l’envie ni l’utilité. La Forêt d’Emeraude leur fournit déjà tout ce dont ils ont besoin en matières premières et leurs artisans n’ont rien à envier à ceux des autres pays. Un seul peuple semble réellement trouver grâce à leurs yeux, les Wolfen de Diisha. Des Elfes poussés par la soif de l’aventure, des criminels condamnés à l’exil ou des petites bandes de mercenaires se rendent parfois dans la Forêt des Pierres Levées et se joignent aux Enfants d’Yllia pour un laps de temps plus ou moins long. Ils apprennent ainsi le langage instinctif des Wolfen et découvrent un aspect de la vie en communauté qu’ils ne connaissaient pas autrefois. Réciproquement, quelques Wolfen ont voyagé jusqu’à la Forêt d’Emeraude et ont décidé d’y établir leur propre territoire. Même en petit nombre, les Wolfen de Quithayran viennent parfois prêter main-forte aux Daïkinee lorsque leur territoire commun est menacé par les Sorcières d’Ashinân.

Cette région d’Aarklash compte elle aussi un front où la guerre fait rage. Il y a Kaïber, Danakil, Fom-Nur… et Nuâhm. Sur les flots et les rives de ce bras de l’Ynkarô se déroulent des escarmouches sans merci. Venus de Loth, de Daëlit et de Lithys, des contingents d’Akkyshan viennent constamment harceler les forces de Quithayran. Les enjeux sont souvent les mêmes : les Veuves frappent par surprise, emportent quelques hommes, tuent les femmes… et volent les enfants.



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La Fin des Légendes


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Le vieux Roi Mneryl contemplait le soleil couchant à l’horizon de son royaume d’émeraude. Dans quelques années, la mort viendrait le prendre et le poids de la couronne de Quithayran reposerait sur le jeune front de son fils unique, Adwen. Un soupir imperceptible vint soulever la poitrine du vieux souverain des Elfes. D’une certaine manière, ce magnifique coucher de soleil était aussi celui de son peuple… Son coeur saignait à l’idée que son fils, la chair de sa chair, le seul souvenir qui lui restait de sa femme Greàhn, soit sans doute l’ultime roi d’une civilisation sur le point de s’éteindre. En imaginant le crépuscule s’emparer de son enfant, Mneryl sentit les larmes monter encore une fois au bord de ses yeux usés.

Il sentit soudain une petite main, chaude et douce, se poser sur la sienne. Adwen ne dormait pas, comme il l’avait cru. Voir le sourire de son fils apaisa Mneryl.

- « RACONTEZ-MOI LA FIN DE L’HISTOIRE, PÈRE, S’IL VOUS PLAÎT ! »

Le père avait raconté la légende du Dieu de l’Hiver à son fils des centaines de fois. Le Roi Mneryl n’avait hélas pas beaucoup de temps à consacrer au Prince Adwen, aussi ce moment privilégié était devenu pour eux une sorte de rituel.

Earhë est encore trop faible et les Fayes sont englouties les unes après les autres. Seul Eäkhyn pourrait vaincre Wisshard… Les vaillants guerriers Elfes décident alors de partir à la recherche du dieu de l’Aube.

Après des mois et des mois de recherche, les Elfes trouvent enfin Eäkhyn. C’est un bien triste spectacle qui s’offre à eux : en repoussant les légions de l’Hiver, Eäkhyn a attrapé la même maladie qu’Aoh. Le dieu de l’Aube est devenu à son tour le dieu de l’Hiver. Pour ne pas ramener le fléau à Quithayran, Eäkhyn s’est réfugié au sommet d’une très haute montagne.

Mais lorsque les Elfes racontent à Eäkhyn ce qui est arrivé à Earhë, son sang gelé reprend vie. Sans attendre, le dieu de l’Aube s’empare de sa lance et s’en va affronter le péril qui menace la Forêt d’Emeraude. Hélas, Wisshard est un dieu, tout comme lui, et le combat est acharné...

Eäkhyn sait que s’il réussit à vaincre Wisshard, sa propre maladie s’emparera de Quithayran. S’il échoue, la forêt sera dévorée par la Fureur d’Aoh. C’est alors qu’il fait le plus beau cadeau qui soit : il se sacrifie pour sauver ceux qu’il aime et se jette dans la gueule de Wisshard en hurlant toute la haine de l’Aube et de l’Hiver. Tout semble soudain s’arrêter… Wisshard vacille. Sa faim est rassasiée. Comme Wisshard était la faim personnifiée, il n’a plus de raison d’exister : la Fureur d’Aoh se cache au fond d’une profonde grotte et s’endort.

Aoh, contemplant le sacrifice de l’Aube et les larmes du Crépuscule, décide de leur faire à son tour un cadeau pour les remercier de l’avoir sauvé. Chaque matin, Eäkhyn devrait ressusciter pour venir consoler Earhë. Mais chaque soir, il devrait retourner dans le ventre de Wisshard pour éviter que la Fureur d’Aoh ne s’éveille à nouveau.

C’est ainsi que Quithayran, contrée de l’Aube et du Crépuscule, fut à jamais protégée de la maladie de l’Hiver : le Temps.